Essentiels sur l'environnement

Environnement

Les comptes macroéconomiques des flux de matières

Le suivi des flux de matières liés au fonctionnement de l’économie est important pour une gestion et une utilisation durables des ressources.

Les comptes macroéconomiques de flux de matières recensent ainsi annuellement l’ensemble des flux apparents :
 - entrant dans l’économie : les matières extraites du territoire, les produits importés qu’ils soient bruts ou finis ;
 - stockés dans la "technosphère" sous forme d’infrastructures ou de biens durables ;
 - sortant de l’économie sous forme d’exportations ;
 - rejetés dans les milieux naturels : émissions dans l’air, rejets dans l’eau, pollution des sols, déchets mis en décharge dans le sous-sol…

Ces comptes couvrent d’une part ce qui rentre dans le système (l’économie) et, d’autre part, ce qui y est stocké ou qui en sort. Ces flux sont exprimés en tonnes, quelle que soit la matière considérée et sa spécificité (dangerosité, matière brute ou produit fini…). Les flux d’air et d’eau ne sont pas inclus car ils sont d’un ordre de grandeur supérieur aux autres flux de matières. Les matières d’origine intérieure recyclées ne sont donc pas comptabilisées comme matières entrantes. Elles impactent néanmoins les flux entrants : plus le recyclage progresse, moins l'économie demande de matières premières en entrée. Enfin, dans ces comptes de flux de matières, le principe de conservation de la masse s’applique : des éléments d'équilibrage sont donc conventionnellement introduits.

Bilan des flux de matières en France en 2010

En millions de tonnes (Mt)

Notes : l’eau comme ressource n’est pas comptabilisée ici (elle fait l’objet d’une comptabilité séparée du fait de l’importance de sa masse). Ne sont pas pris en compte dans ce bilan les flux de matières recyclés, 201 Mt en 2010 en incluant le remblayage et le comblement de carrières par des déchets minéraux, et les produits réemployés/réutilisés, estimés à 1 Mt en 2011 par l’Ademe. Ils viennent en substitution de nouveaux matériaux et produits en entrée d’économie sans générer de flux en sortie.
Notes de lecture : des éléments d’équilibrage sont introduits en entrée et en sortie du bilan national des flux de matières, en complément aux flux apparents de matières renseignés par les sources statistiques. Ils correspondent à des flux physiques réels soit prélevés de l’environnement, soit émis vers l’environnement. Les principales masses (oxygène, azote, vapeur d’eau et gaz carbonique) interviennent dans l’équilibre des réactions chimiques en cause : combustion, respiration animale, y compris humaine.
Compte tenu du principe de conservation de la masse, la même masse totale est retrouvée en entrée et en sortie d’économie : Extraction intérieure utilisée (636) + Importations (324) + Éléments d’équilibrage côté entrée (498) = Exportations (179) + Émissions (Air + autres) (457) + Déchets en décharge (113) + Addition au Stock (397) + Éléments d’équilibrage côté sortie (312) = 1 458.
Champ : France métropolitaine et DOM.
Sources : douanes ; Eurostat ; FAO ; Insee ; Agreste/SSP ; SOeS ; Unicem. Traitements : SOeS (actualisation des données en cours)

À chacun des flux apparents de matériaux ou de produits, extraits du territoire, importés, stockés sur le territoire ou exportés, sont associés des flux dits « cachés » de matières. Ces derniers comprennent :
- les flux indirects de matières premières utilisées à l’étranger (notamment des combustibles) mais qui, n’étant pas incorporées aux matériaux ou produits concernés, ne franchissent pas la frontière avec eux ;
- les quantités de matières rejetées immédiatement après leur extraction (stériles miniers, résidus de récolte) ou déplacées sans faire l’objet d’une utilisation économique (excavation de terres lors des activités extractives et de construction, érosion des sols liée à l’agriculture). 

La détermination des flux cachés
Dans le cadre du règlement européen n° 691/2011 sur la comptabilité économique de l’environnement, l’Office statistique européen (Eurostat) rassemble l’information couvrant les flux de matières dits apparents des pays de l’Union européenne. En complément, Eurostat a engagé des travaux visant à établir une comptabilité dite en équivalent matières premières (RME pour Raw Material Equivalent). Le calcul des flux de matières en termes de RME s’appuie sur une méthode combinant tableaux entrées-sorties de la comptabilité nationale et comptes de flux de matières ventilés par branches.
Pour les importations, afin de tenir compte des produits qui ne sont pas fabriqués localement, sont utilisées des données d’analyse de cycle de vie (ACV) des produits, des informations portant sur le contenu en métal des minerais d’origine et sur le mix énergétique des pays d’origine. Sur cette base, pour une économie donnée, est alors évaluée la quantité de matières premières mobilisée pour satisfaire sa demande en biens et services. L’estimation des importations en termes de RME s’appuie sur les coefficients moyens européens. Pour les exportations, il est tenu compte de la structure économique de la France (tableaux entrées-sorties en 60 branches/produits).
Les flux cachés totaux associés aux importations/exportations sont calculés à l’aide de coefficients rapportant la masse de flux cachés à celle des flux apparents. L’établissement de ces coefficients s’appuie sur des résultats d’ACV, à partir desquels est estimée la masse de matières mobilisées depuis l’extraction des matières premières et leur transformation, jusqu’à la commercialisation du produit final. L’extraction intérieure de matières inutilisées (excavation de terres pour les activités extractives ou de construction, érosion des sols agricoles) est évaluée à partir de coefficients techniques appliqués aux statistiques physiques des activités concernées (matière extraite ou récoltée, longueur de réseau de transport ou surface de logements construits).

Au niveau européen, les comptes de flux de matières font l’objet d’un rapportage obligatoire auprès d’Eurostat depuis 2013. Les 28 membres de l’Union européenne plus 7 partenaires, participent actuellement à ce rapportage. Celui-ci est encadré par le règlement européen n° 691/2011 relatif aux comptes économiques européens de l’environnement.

Les principaux indicateurs dérivés des flux de matières à l’échelle macroéconomique

Des indicateurs sont dérivés des comptes de flux de matières à l’échelle macroéconomique. Ils peuvent permettre de définir, d’évaluer des politiques de gestion des ressources et d’effectuer des comparaisons internationales. La consommation intérieure de matières (DMC) et la productivité des ressources (PIB/DMC) ont ainsi été retenues comme des indicateurs de développement durable aux niveaux européen et français pour qualifier la consommation et la production durables.

Les indicateurs d’entrée :
- DEU (Domestic Extraction Used) ou extraction intérieure utilisée : ensemble des matières solides, liquides, gazeuses, extraites du sol et du sous-sol du territoire, et des eaux continentales et marines. Elles comprennent donc les matières minérales, fossiles, la biomasse (produits de l’agriculture et de la sylviculture), les ressources halieutiques.
- I, les importations : tous types d’importations confondus, des matières premières aux produits finis.
- DMI (Direct Material Input) ou besoin apparent en matières de l’économie : ensemble des matières entrant physiquement dans l’économie.
→ DMI = DEU + I
- RMI (Raw Material Input) ou besoin en matières de l’économie en équivalent matières premières de l’économie : ensemble des matières extraites pour satisfaire les besoins de l’économie.
→ RMI = DEU + I exprimées en équivalent matières premières
- TMR (Total Matériel Requirement) ou besoin total en matières de l’économie : ensemble des matières nécessaires au fonctionnement de l’économie, mobilisées sur le territoire ou à l’étranger.
→ TMR = DMI + extraction intérieure inutilisée + flux indirects associés aux importations

Les indicateurs de sortie :
- E, les exportations : tous types d’exportations confondus, des matières premières aux produits finis.
- DPO (Domestic Processed Output) ou émissions dans la nature : ensemble des matières rejetées par l’économie dans l’environnement, y compris celles induites par la fabrication des produits exportés : émissions dans l’air, rejets dans l’eau, usage dissipatif (engrais), déchets mis en décharge.

Les indicateurs de consommation intérieure :
- DMC (Domestic Material Consumption) ou consommation intérieure apparente de matières : ensemble des matières physiquement consommées par la population présente sur le territoire.
→ DMC = DMI – E
- RMC (Raw Material Consumption) ou consommation intérieure de matières en équivalent matières premières : ensemble des matières extraites pour satisfaire la consommation de la population présente sur le territoire.
→ RMC = RMI – E en équivalent matières premières
- TMC (Total Material Consumption) ou consommation intérieure totale estimée de matières : ensemble des matières physiquement consommées par la population présente sur le territoire, incluant l’extraction intérieure inutilisée et les flux indirects associés aux importations.
→ TMC = DMC + extraction intérieure inutilisée + flux indirects associés aux importations - flux indirects associés aux exportations
(Note : l’extraction intérieure inutilisée associée aux exportations est incluse dans le terme « flux indirects associés aux exportations »)

D’autres indicateurs peuvent être dérivés :
- PTB (Physical Trade Balance) ou balance commerciale physique, pendant de la balance commerciale monétaire.
→ Balance commerciale physique apparente : PTB = I – E
→ Balance commerciale physique totale : PTB = I + flux indirects associés aux importations - E - flux indirects associés aux exportations
- NAS (Net Addition to Stock) ou accumulation nette de stock : la croissance physique d’une économie est mesurée par l’accumulation nette du stock. Elle correspond à la différence entre les nouveaux matériaux qui s’ajoutent chaque année à la « technosphère », sous forme de constructions, d’infrastructures, de biens durables (voitures, équipements industriels et ménagers, etc.), et les anciens qui en sont retirés sans recyclage (mise en centre de stockage de déchets de démolition de bâtiments, de déchets de biens durables ultimes, etc.).

L’ensemble de ces indicateurs physiques peuvent être croisés entre eux, mais aussi avec d’autres variables : population, PIB et autres indicateurs monétaires, etc.

Mis à jour le  3/05/2016