Depuis le milieu des années 2000, le volume d’eau douce prélevée pour satisfaire les principaux usages de l’eau baisse que ce soit pour la production d’eau potable ou pour les usages industriels et le refroidissement des centrales électriques (i.e. en dehors du turbinage des barrages hydroélectriques). En 2013, il s’élève à 33 milliards de m3 pour la France métropolitaine.
Plus de 80 % de ce volume est puisé dans les eaux de surface (rivières, lacs, canaux, retenues…) compte tenu des quantités prélevées pour le refroidissement des centrales électriques et l’alimentation des canaux. En faisant abstraction de ces 2 usages qui sollicitent quasi-exclusivement les eaux de surface, les prélèvements d’eau douce mobilisent globalement autant les eaux souterraines que les eaux superficielles.
La répartition géographique des prélèvements d’eau douce varie selon les usages. Si les volumes destinés à l’eau potable sont répartis sur l’ensemble du territoire, ceux pour l’agriculture sont plutôt concentrés dans le Sud du territoire, et ceux pour l’industrie à l’Est et au Nord. Une très grande partie du volume d’eau douce prélevé pour le refroidissement des centrales électriques est concentré sur un nombre restreint de sites.
Les prélèvements pour la production d’électricité
La production d’électricité est le secteur qui utilise les plus grandes quantités d’eau (51 % du volume total prélevé en 2013), en dehors même du turbinage des barrages hydroélectriques. L’eau douce prélevée permet d’assurer le refroidissement des centrales thermiques de production d’électricité (nucléaires ou à flamme). Près de 90 % de l’eau prélevée est toutefois restituée au milieu naturel à proximité du lieu de prélèvement.
L’importance des volumes prélevés dépend notamment du type de systèmes de refroidissement (fermé ou ouvert). Ainsi plus de 70 % des prélèvements d’eau douce des centrales électriques sont concentrés sur 4 sites équipés de circuits ouverts. Le fonctionnement en circuit de refroidissement ouvert nécessite des prélèvements d’eau plus importants qu’avec un système fermé (pour chaque kilowattheure produit, les circuits ouverts mobilisent en moyenne un volume d’eau 20 fois équivalent aux circuits fermés). Ces deux systèmes se différencient également par le devenir de l’eau prélevée après utilisation ; pour les systèmes fermés, une partie de l’eau prélevée est évacuée sous forme de vapeur dans une tour aéroréfrigérante, alors que pour les circuits ouverts, la quasi-totalité de l’eau prélevée est restituée à la rivière à proximité du lieu de prélèvement (la température de l’eau rejetée est toutefois plus élevée).
Les prélèvements en eau douce utilisés pour le refroidissement des centrales électriques se sont développés dès les années 1960 avec celui de la production d’électricité issue de centrales thermiques à combustibles fossiles. Ils se sont accrus au cours de la décennie 1980 avec la montée en puissance du parc de centrales nucléaires. Au début des années 1990, ils se stabilisent entre 17 et 20 milliards de m3 par an avec la mise en service de centrales équipées de circuit de refroidissement fermés.
Les volumes prélevés peuvent fluctuer d’une année sur l’autre en fonction de contraintes d’exploitation et des conditions climatiques. Ainsi, les années chaudes, comme 2003 et 2005, se distinguent avec des volumes prélevés un peu plus élevés. Le niveau relativement bas des prélèvements en 2011 est pour sa part lié à des opérations de maintenance qui ont entraîné l’arrêt momentané de certains réacteurs. En revanche, le niveau relativement plus élevé des prélèvements en 2012 résulte en grande partie de besoins ponctuellement accrus pour des centrales équipées de circuits de refroidissement ouverts, dont notamment celle de Fessenheim. Depuis 2005, on observe néanmoins une légère tendance à la baisse des prélèvements, indépendante de l’évolution de la production totale d’électricité issue de l’ensemble des centrales. Cette tendance résulte notamment d’un moindre recours aux 4 centrales les plus grosses consommatrices.
Les prélèvements d’eau douce pour le refroidissement des centrales électriques sont situés pour l’essentiel à l’est du territoire métropolitain (bassins Rhône-Méditerranée et Rhin-Meuse), secteurs où sont localisées les 4 centrales équipées de circuits de refroidissement ouverts.
L’alimentation des canaux
L’eau douce mobilisée pour l’alimentation des canaux, en vue du maintien de la navigabilité ou de la circulation de l’eau dans ces ouvrages, représente 17 % du volume total prélevé en 2013. Les prélèvements pour cet usage s’élèvent ainsi à 5,6 milliards de m3 en 2013. Ce volume ne prend pas en compte les prélèvements effectués dans des canaux pour d’autres usages (irrigation par exemple). Ces prélèvements sont effectués en quasi-totalité dans les eaux de surface ; cette eau est ensuite restituée au milieu naturel.
En 2013, près de 63 % du volume prélevé pour les canaux l’ont été par Voies navigables de France, établissement public dont l’une des missions consiste à maintenir les niveaux d’eau indispensables à la circulation des bateaux. 19 % l’ont été par des associations syndicales autorisées ou libres, établissements publics issus du regroupement de propriétaires souhaitant construire, entretenir et gérer des ouvrages en commun. 11 % ont été prélevés par des municipalités, notamment celle de Paris, et des structures intercommunales.
L’alimentation en eau potable
Les prélèvements pour l’alimentation en eau potable représentent 16 % du total des volumes prélevés en 2013. Ils sont principalement effectués en eaux souterraines. Ils alimentent les réseaux publics d’adduction en eau potable auxquels sont raccordés les ménages, mais aussi tous les établissements équipés d’installations sanitaires (écoles, hôpitaux, hôtels, installations sportives, entreprises…), ainsi que les entreprises artisanales.
Ils ont
augmenté entre les années 1950 et la fin des années 1980 à un rythme
supérieur à l’accroissement de la population. Ils se sont relativement
stabilisés ensuite aux environs de 6 milliards de m3,
avec toutefois un pic en 2003, année de canicule. Depuis, ils
tendent à diminuer. En 2013, les prélèvements d’eau douce pour
l’alimentation en eau potable s’élèvent à
5,3 milliards de m3, soit 15 % de moins que
10 ans auparavant.
Compte tenu de l’augmentation de la
population, la moyenne du ratio du volume prélevé annuellement par
habitant (85 m3) a baissé plus nettement encore (-20 %) sur la
même période.
Le niveau des prélèvements en vue de la distribution
d’eau potable dépend largement de la taille de la population résidente.
La fréquentation touristique est toutefois susceptible d’affecter le
niveau de ce ratio dans certaines zones géographiques, la consommation
des touristes entraînant des prélèvements supplémentaires à ceux
nécessaires à la population résidente. En outre, il peut arriver que
l’eau prélevée en vue de sa potabilisation provienne d’un sous-bassin ou
d’un département limitrophe ; c’est notamment le cas des eaux de la
Durance qui alimentent la ville de Marseille, et celles de la Marne qui
couvrent une partie des besoins de la ville de Paris.
L’agriculture
Les prélèvements pour l’agriculture représentent
8 % des volumes d’eau prélevés en 2013. Une part importante de ce
volume (au moins 80 %) est destinée à l’irrigation. En 2010, près
de la moitié de la superficie des cultures irriguées en France
métropolitaine était consacrée au maïs (grains, semence et fourrage). La
superficie irriguée totale, et en particulier celle du maïs, a doublé
au cours des décennies 1980 et 1990, avant de marquer le pas. Concentrée
géographiquement, elle concerne 6 % de la surface agricole utile
nationale.
L’irrigation intervient en complément des apports
pluviométriques, soit pour améliorer les rendements, soit pour compenser
les périodes de sécheresse. Plus que tous les autres, les prélèvements
agricoles sont donc soumis aux aléas des précipitations. La mise en
place de retenues collinaires et de retenues de substitution permet
alors de stocker l’eau avant le printemps et l’été. Ces réserves
hivernales sont alimentées par nappes, cours d’eau ou eaux de
ruissellement.
L’eau prélevée pour les usages agricoles est également
utilisée pour l’abreuvement des animaux, le nettoyage des bâtiments et
du matériel, usages qui sont en partie réalisés à partir du réseau
public d’eau potable. Une part probablement marginale de l’eau prélevée
et déclarée comme d’usage agricole peut alimenter des usages autres
qu’agricoles (lutte contre l’incendie, rechargement des nappes, usages
domestiques) dans le cas où le prélèvement est réalisé de façon
collective par des associations syndicales autorisées d’irrigation.
La part de l’eau prélevée pour les usages agricoles et restituée aux milieux aquatiques est la plus faible de tous les usages. En outre, l’impact des prélèvements pour l’agriculture est d’autant plus important que les volumes d’eau concernés, très majoritairement destinés à l’irrigation des cultures, interviennent pour l’essentiel entre avril et septembre, au moment où le niveau des cours d’eau est le plus bas (période d’étiage).
L’eau prélevée pour l’agriculture est, en moyenne, majoritairement puisée en eaux de surface (63 % en 2013). Néanmoins, cette répartition est particulièrement contrastée entre le sud et le nord du territoire.
Les autres usages
Les autres usages sont à l’origine de 8 % des prélèvements d’eau douce en 2013. Environ 80 % de ce volume est prélevé par des entreprises industrielles, le reste par des entreprises de commerce ou de service, des collectivités et établissements publics et par certaines des activités du secteur tertiaire, privé et public : bases de loisirs, golfs, stations de sport d’hiver (canons à neige), parcs, stades…
Les prélèvements pour l’ensemble de ces usages
diminuent depuis le début des années 1980. L'amélioration des processus
de production (mise en place de circuits de refroidissement fermés,
équipements plus économes en eau…) a joué un rôle prépondérant dans
cette évolution, accentuée par le ralentissement de certaines activités
(industries extractives, métallurgie, matériaux de construction,
matières plastiques, automobile).
Les entreprises industrielles
utilisent l’eau soit comme solvant (électrolyse, homogénéisation de
mélange, nettoyage de matières premières, de composants, d’outils ou
d’équipements), soit comme matière première (boisson, aliments,
médicaments, peintures, savons…) ou fluide caloporteur (vapeur ou
refroidissement). Une fraction du volume des prélèvements enregistrés
dans cette catégorie est utilisée pour des usages identifiés aux usages
domestiques.
Le secteur de la chimie est le principal préleveur d’eau à usage industriel. Une grande partie de ses prélèvements est concentrée géographiquement dans le Nord-Est du territoire et dans le couloir Rhodanien. La fabrication des papiers et cartons ainsi que celle des produits alimentaires nécessitent également des quantités importantes d’eau. Les prélèvements d’eau de l’industrie papetière sont plus dispersés sur le territoire. Ceux de l’industrie alimentaire sont concentrés dans le Nord (bassin de l’Escaut), l’Est (Rhin supérieur) et la Bretagne (Vilaine et côtiers bretons).
Pour aller plus loin
Banque nationale prélèvements quantitatifs en eau (BNPE)
Onema (2015). Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement - Panorama des services et de leur performance en 2012, Office national de l’eau et des milieux aquatiques, Eaufrance (service public d’information sur l’eau), p. 4.
CGDD/SOeS, « Les prélèvements d’eau douce en France – les grands usages en 2013 et leur évolution depuis 20 ans », Datalab, janvier 2017, 25 p.
Loubier S., Campardon M., Morardet S. (2013), « L’irrigation diminue-t-elle en France ? Premiers enseignements du recensement agricole de 2010 ». Irstea, Sciences Eaux & Territoires, Numéro 11, pp. 12-19.
Montginoul M. (2013). « La consommation d’eau en France : historique, tendances contemporaines, déterminants ». Irstea, Sciences Eaux & Territoires, Numéro 10, pp. 68-72.