L’empreinte carbone des populations correspond aux émissions de GES associées à leur consommation, que les biens ou services soient produits sur leur territoire ou qu’ils soient importés. Étant donné la mondialisation actuelle des économies, son estimation revêt une importance accrue pour percevoir l’impact des émissions de chacun sur le changement climatique à l’échelle planétaire. Les « fuites de carbone », résultant d’éventuels transferts d’activités émettrices en dehors du périmètre des pays ayant des engagements contraignants en termes de GES, tendraient à limiter la portée des objectifs de réduction d’émissions fixés actuellement au niveau international. L’estimation de ce type d’empreinte carbone participe également de la recherche d’une juste appréciation des pressions anthropiques exercées sur l’environnement et souligne la nécessaire solidarité de la communauté internationale dans la lutte contre le changement climatique.
Plusieurs études ont montré l’existence d’un « transfert », via le commerce international, d’émissions de CO2 de l’ensemble des pays ayant des engagements de réduction d’émissions de GES dans le cadre du protocole de Kyoto vers les pays tiers. Depuis 1990, l'année de base des engagements du protocole, les premiers ont collectivement stabilisé les émissions de CO2 sur leur territoire, alors qu’augmentaient les émissions de CO2 liées à leurs importations en provenance des pays hors du protocole ; l’ensemble des émissions de ces derniers a plus que doublé depuis cette date.
Ces observations ne permettent pas pour autant de conclure que le protocole de Kyoto serait responsable de la fuite d’activités économiques émettrices hors de son périmètre. En revanche, elles montrent la nécessité d’une mobilisation mondiale en matière de lutte contre les émissions de GES : l’engagement d’une partie des pays ne suffit pas, du moins lorsque, ensemble, ils ne représentent pas une part suffisamment grande du total des émissions mondiales.
Les estimations réalisées par l’OCDE permettent d’établir une comparaison de l’empreinte CO2 de plusieurs pays : pays membres de l’OCDE et un certain nombre de pays hors de l’organisation occupant une place importante dans l’activité économique mondiale. Les résultats les plus récents portent actuellement sur l’année 2011. Les pays de grande taille d’Europe occidentale, les États-Unis et le Japon ont une empreinte CO2 supérieure au CO2 émis sur leur territoire. En revanche, l’Afrique du Sud, la Chine, l’Inde et la Russie présentent une situation inversée ; le Brésil affiche une position particulière avec un niveau moyen d’émissions par habitant relativement bas et une empreinte légèrement supérieure aux émissions sur son territoire. Compte tenu de sa taille et de sa croissance économique, la Chine est dorénavant le premier émetteur mondial de CO2. Toutefois, le niveau moyen de son empreinte CO2 par personne (5,1 t/hab.) était en 2011 (contre 4,4 t/hab en 2009) encore nettement inférieur à celui de l’Union européenne (7,0 t/hab.) ou plus largement à celui des pays de l’OCDE (9,5 t/hab.).
Ces informations ne constituent pas pour autant une invitation à l’inaction pour les pays émergents. Étant donné le caractère planétaire de la problématique climatique, elles montrent même que leur mobilisation est particulièrement nécessaire : les pays de l’OCDE ne parviendront pas seuls à limiter suffisamment les émissions mondiales de GES.
En 2010, les parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont reconnu l’objectif de limiter à 2 °C l’augmentation de température moyenne mondiale par rapport à l’époque préindustrielle comme étant central. Cette reconnaissance est intervenue après que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) ait indiqué qu’au-delà de ce seuil, les conséquences induites par le changement climatique seraient d’une ampleur significatives : elles auraient des impacts dévastateurs et pour certains irréversibles. Au-delà d’une augmentation de la température moyenne de de 2 °C, les capacités d’adaptations aux changements climatiques des sociétés humaines sont incertaines.
Cet objectif de 2 °C nécessite de réduire les émissions mondiales de GES de moitié à l’horizon de 2050 par rapport au niveau de 1990, soit à peine 20 milliards de tonnes eq.CO2 par an. À cet horizon, la population devrait s’élever à 9 milliards d’individus selon la projection moyenne de l’ONU. Ainsi, aux environs de 2050, un partage égalitaire des émissions entre tous les habitants de la terre requerrait, dans chacun des pays, de ne pas excéder 2 t eq.CO2 de GES par habitant et par an. Cette première évaluation devrait être affinée par l’examen approfondi des différences de conditions géographiques (climat, topographie…).
Méthodologie Comme pour les estimations du SDES, celles de l’OCDE résultent de calcul du type input-output combinant des statistiques économiques présentées sous forme de tableaux entrées-sorties (input-output tables) et des statistiques d’émissions ventilées par branches économiques. Cependant, l’OCDE s’appuie sur un modèle bouclé à l’échelle mondiale, i.e. retraçant notamment les échanges commerciaux entre les pays pris en compte. Le modèle de l’OCDE couvre une soixante de pays individuellement, plus un ensemble incluant le reste du monde. Les statistiques économiques (tableaux entrées-sorties, commerce international) et d’émissions sont ventilées selon 37 branches d’activités. Jusqu’à présent, les calculs de l’OCDE en matière d’empreinte carbone portent uniquement sur les émissions de CO2 résultant de l’usage de combustibles fossiles (i.e. hors CO2 émis lors de la décarbonatation du calcaire dans les industries des produits minéraux non métalliques : ciment, chaux, plâtre, terre cuite, céramiques, verre) qui sont calculées à l’aides des statistiques de consommation d’énergie de l’Agence internationale de l’énergie. |
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Sites internet
Bibliographie
- Kyoto and the carbon footprint of nations
Aichele A., Felbermayr G. ; Journal of Environmental Economics and Management, vol. 63 (3), pp. 336-354, 2012.
- CO2 Emissions Production-Based Accounting vs. Consumption: Insights from the WIOD Databases
Boitier B. ; Final WIOD Conference: Causes and Consequences of Globalization, Groningen, The Netherlands, April 24-26, 2012, 23 p.
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Modes de vie et empreinte carbone, Prospective des modes de vie en France à l’horizon 2050 et empreinte carbone, Les cahiers du Club d’ingéniérie prospective énergie et environnement (CLIP), n° 21, Iddri, Institut du développement durable et des relations internationales, décembre 2012, 130 p.
- Growth in emission transfers via international trade from 1990 to 2008
Peters G., Minx J., Weber C, and Edenhofer O. ; Proceedings of the National Academy of Science of the United States of America, 6 p. + Excel worksheets, 2011.
Mis à jour le 19/11/2015